Historique
Les prémices de la création d’Interpol datent du début du xxe siècle. Cette idée de police internationale avait été émise par Edmond Locard, grand professeur de médecine légale, qui fonda à Lyon (sa ville) en 1910 le premier laboratoire de police scientifique au monde. Celui-ci se trouvait en 1905 au VIe Congrès d’anthropologie criminelle, à Turin. Parmi les personnages importants qui s’y trouvent, il y rencontre le criminologue français Alphonse Bertillon, le professeur italien de médecine légale et psychiatre Cesare Lombroso, ainsi que le criminologue et photographe suisse Rodolphe Archibald Reiss. En voyant ce beau monde, Edmond Locard se rend compte qu’afin de lutter contre le crime international, il faut user d’une police internationale.
L’idée se poursuit en 1914, lors du premier Congrès international de police criminelle : des officiers de police, juristes et magistrats de 14 pays se réunissent à Monaco à l’initiative du prince Albert Ier, pour discuter des procédures d’arrestation et d’extradition, techniques d’identification et centralisation des fichiers. La Première Guerre mondiale suspend cette initiative.
L’organisation est créée le lors du deuxième Congrès à l’initiative de Johann Schober, le directeur de la police de Vienne qui réunit dans sa ville les responsables des forces de polices de vingt pays pour fonder la Commission internationale de police criminelle (CIPC).
En 1942, à la suite de l’Anschluss, la CIPC passe sous le contrôle de la Gestapo et son siège, de Vienne, est transféré à Berlin. La plupart des pays membres cessent alors leur coopération. L’organisation renaît en 1946 sous l’égide de la France, de la Belgique, du Royaume-Uni et des pays scandinaves. En 1956, le statut est modernisé et la CIPC devient « Organisation internationale de police criminelle-Interpol ».
Après la guerre, Interpol donne l’ordre, en interne, de ne pas poursuivre les crimes liés au régime nazi, sous le prétexte qu’ils étaient « de nature politique »Note 2.
Elle est reconnue en tant qu’organisation intergouvernementale par l’ONU en 1971 et l’année suivante un accord de siège est conclu avec la France. En 2003, un centre de commandement et de coordination est instauré et en 2004, Interpol se dote d’un bureau de liaison au siège de l’ONU à New York4.
En 2008, le président d’Interpol Jackie Selebi est contraint de démissionner, accusé d’avoir été corrompu par un narcotrafiquant5. Il est condamné à 15 ans de prison pour corruption par le tribunal de Johannesburg le 3 août 2010.
Le , Interpol annonce avoir reçu la démission de son président Meng Hongwei6, qui n’avait plus donné signe de vie depuis son départ en Chine, fin septembre 20187,8,9. L’office chinois de lutte contre la corruption annonce par la suite que Meng Hongwei fait l’objet d’une enquête pour violations présumées de la loi 6.
Siège
- Buenos Aires (Argentine)
- San Salvador (Salvador)
- Yaoundé (Cameroun)
- Abidjan (Côte d’Ivoire)
- Nairobi (Kenya)
- Bangkok (Thaïlande) (bureau de liaison)
- Harare (Zimbabwe)
dont trois représentations :
- à l’Union africaine à Addis-Abeba depuis 200110
- aux Nations unies à New York depuis 200411
- à l’Union Européenne à Bruxelles depuis 200912
Pays membres
Interpol regroupe un total de 192 pays membres2, Chaque pays membre dispose d’un Bureau central national (National Central Bureau (NCB)) assurant la liaison entre sa police nationale et celles des autres pays pour former le réseau mondial13 Voici la liste des pays membres de l’organisation :
Bureaux régionaux
Membres des Nations unies, non membres d’Interpol
États et entités partiellement reconnus sans adhésion ou bureau
États non reconnus sans membre ou statut de sous-bureau
Source : (en) États membres et territoire non incorporé sur la Wikipédia en anglais.
Structure
La structure de l’OIPC est la suivante :
- l’assemblée générale, instance suprême de l’organisation, qui regroupe une fois par an l’ensemble des délégués des États membres, élit le comité exécutif, définie via des résolutions la politique générale, les moyens ;
- le comité exécutif, composé de 13 personnes dont le président, surveille l’exécution des décisions de l’assemblée générale, oriente l’action de l’organisation ;
- le secrétariat général met en œuvre les missions de l’organisation via ses sept bureaux régionaux et ses représentants spéciaux auprès des Nations Unies et de l’Union européenne ;
- les bureaux centraux nationaux assurent la liaison entre les services de police et l’organisation (en France, le BCN est rattaché à la division des relations internationales de la direction centrale de la police judiciaire)14 ;
- la commission de contrôle des fichiers d’Interpol a pour but de vérifier la conformité des traitements des données à caractère personnel avec la réglementation.
Actuellement, le poste de président d’Interpol est surtout honorifique, sa gestion quotidienne étant assurée par le secrétaire général15.
Secrétaires généraux
- : Oskar Dressler (1923 – 1945)
- : Louis Ducloux (1946 – 1951)
- : Marcel Sicot (1951 – 1963)
- : Jean Népote (1963 – 1978)
- : André Bossard (1978 – 1985)
- : Raymond Kendall (1985 – 2000)
- : Ronald K. Noble (2000 – 2014)
- : Jürgen Stock (depuis 2014)16
Présidents depuis la fondation en 1923
Présidents de la Commission internationale de police criminelle (1923 – 1946) :
- : Johann Schober (1923 – 1932)
- : Franz Brandl (1932 – 1934)
- : Eugen Seydel (1934 – 1935)
- : Michael Skubl (1935 – 1938)
- : Otto Steinhäusl (1938 – 1940)
- : Reinhard Heydrich(1940 – 1942)
- : Arthur Nebe (1942 – 1943)
- : Ernst Kaltenbrunner(1943 – 1945)
Présidents d’Interpol depuis 1946 :
- : Florent Louwage (1945-1956)
- : Agostinho Lourenço (1956-1960)
- : Richard Jackson (1960-1963)
- : Fjalar Jarva (1963-1964)
- : Firmin Franssen (1964-1968)
- : Paul Dickopf (1968-1972)
- : William Leonard Higgitt (1972-1976)
- : Carl Persson (1976-1980)
- : Jolly Bugarin (1980-1984)
- : John Simpson (1984-1988)
- : Ivan Barbot (1988-1992)
- : Norman D. Inkster (1992-1994)
- : Björn Eriksson (1994-1996)
- : Toshinori Kanemoto (1996-2000)
- : Jesús Espigares-Mira (2000-2004)
- : Jackie Selebi (2004-2008)
- : Khoo Boon Hui (2008-2012)
- : Mireille Ballestrazzi (2012-2016)
- : Meng Hongwei (2016-2018)17
- : Kim Jong-yang (depuis 2018)Note 4
Fonctionnement et mode d’intervention
Le système des notices internationales
Principe
Les notices sont des messages d’alerte internationaux diffusés par l’Organisation internationale de police criminelle connue sous le nom d’Interpol utilisés par les services de police pour communiquer à leurs homologues du monde entier des informations sur des infractions, des malfaiteurs et des menaces. Interpol les diffuse à tous ses pays membres à la demande d’un pays membre ou d’une entité internationale autorisée3.
Les informations diffusées via ces notices sont de natures diverses et peuvent concerner :
- des personnes recherchées pour des infractions graves ;
- des personnes disparues ;
- des personnes décédées non identifiées ;
- des menaces potentielles ;
- des évasions de personnes détenues ;
- des modes opératoires de malfaiteurs
En sommes, les notices ont pour but d’attirer l’attention sur les infractions et événements graves.
Bien que l’expression « mandat d’arrêt international » soit encore largement utilisée par la presse et les médias francophones, Interpol précise bien que les notices, notamment les notices rouges, ne sont pas des mandats d’arrêt internationaux18, elles appuient simplement des mandats d’arrêt nationaux ou européens contre certains individus pour rendre plus facile leur arrestation à des fins d’extradition, mais en aucun cas elles ne se substituent à ces mandats décidés par des juridictions nationales ou européennes ou par la Cour pénale internationale (CPI) ou un Tribunal pénal international (TPI). Cette expression est donc obsolète et surtout impropre concernant les notices rouges d’Interpol qui ne sont pas délivrées par une juridiction, mais par l’organisation elle-même.
Historique
C’est en 1946 qu’Interpol a mis en place le système des notices internationales. Au départ, l’Organisation a créé six types de notices, toutes de couleur différente : rouge, bleu, vert, jaune, noire et mauve. En 2004, une septième notice a été ajoutée, la notice orange19.
En 2005, Interpol met en place une huitième notice, la notice spéciale INTERPOL-Conseil de sécurité des Nations unies à la faveur de la résolution 1617 du Conseil de sécurité de l’ONU afin d’offrir au Conseil de sécurité un outil efficace pour l’aider à remplir ses prérogatives en ce qui concerne le gel des avoirs, l’interdiction de voyager et l’embargo sur les armes décidés à l’encontre des personnes et entités liées à Al-Qaïda et aux talibans. Cette notice est officiellement adoptée lors de la 74e assemblée générale d’Interpol qui s’est tenue du 19 au 22 septembre 2005 à Berlin20.
Les différentes notices internationales
Il existe huit types de notices ayant chacun un but différent21. La notice la plus connue est la notice rouge qui permet de faciliter la localisation et l’arrestation de criminels et fugitifs.
Type de notice | Signification |
---|---|
Notice rouge | Utilisée pour demander la localisation et l’arrestation d’une personne recherchée par une autorité judiciaire ou par un tribunal international en vue de son extradition. |
Notice bleue | Utilisée pour recueillir des informations complémentaires sur des individus concernant leur identité, leur lieu de séjour ou leurs activités illicites dans le cadre d’une enquête criminelle. |
Notice verte | Utilisée pour alerter et communiquer des informations de police sur des individus constituant une menace pour la sécurité publique et ayant commis des activités criminelles tout en étant susceptibles de récidiver dans d’autres pays. |
Notice jaune | Utilisée pour aider à retrouver des personnes disparues, en particulier des mineurs, ou à identifier des personnes qui ne peuvent le faire en raison de leur incapacité. |
Notice noire | Utilisée pour recueillir des informations sur des personnes décédées dont le corps n’a pas été identifié. |
Notice spéciale INTERPOL-Conseil de sécurité des Nations unies | Utilisée pour appeler l’attention des polices sur des individus ou groupes visés par les sanctions prises par le Conseil de sécurité de l’ONU. |
Notice orange | Utilisée pour alerter la police, les organismes publics et les autres organisations internationales sur les matières dangereuses, les actes criminels ou les événements qui sont susceptibles de constituer une menace pour la sûreté publique. |
Notice mauve | Utilisée pour communiquer des informations à modi operandi, procédés, objets, appareils et cachettes utilisés pour perpétrer des actes criminels. |
Forme et modes de diffusion
Les notices peuvent renfermer des informations de deux types :
- des éléments d’identification (comprenant le signalement, une photographie, les empreintes digitales, les numéros des pièces d’identité… des individus recherchés) ;
- des éléments juridiques (comprenant la qualification de l’infraction dont l’individu est accusé, les références des lois sur lesquelles se fonde l’accusation ou la condamnation, les références du mandat d’arrêt ou de la décision de justice…).
Le Secrétariat général procède à la publication et à la diffusion des notices rouges de sa propre initiative ou à la demande de Bureaux centraux nationaux (B.C.N.) ou d’entités internationales autorisées. L’ensemble des notices rouges est diffusé sur le site web d’Interpol et est accessible à tous les internautes. Le contenu de certaines notices, sous forme d’extraits, est parfois aussi publié sur le site web si l’entité demandeuse accepte qu’Interpol diffuse ces informations au grand public.
Limites
Limitations tenant à la nature de l’organisation
À cause du rôle politiquement neutre qu’elle doit jouer, la Constitution d’Interpol lui interdit d’intervenir dans les affaires ne concernant qu’un pays membre, ou les crimes militaires, politiques, religieux ou raciaux. Ses activités tournent autour du trafic et production de drogue, du terrorisme, du blanchiment d’argent, du crime organisé et de la criminalité transnationale.
Il faut ajouter que, contrairement à ce que son nom indique, Interpol n’est pas à proprement parler une organisation policière. Il s’agit plutôt d’une structure d’étude et d’analyse sur la criminalité et le terrorisme. C’est une sorte de grande base de données pour les pays membres, qui produit de l’expertise et de la connaissance. Il n’y a pas de « service action » dans cette organisation : les interventions sont menées par les polices de chaque pays, parfois de manière conjointe (auquel cas un des rôles d’Interpol est de faciliter la collaboration, en améliorant la communication, etc.).
Limitations structurelles
La situation actuelle d’Interpol est marquée par d’importants problèmes structurels tenant essentiellement à deux raisons :
- le budget notoirement insuffisant. Depuis des années, Interpol a des difficultés financières : son budget actuel est d’environ 80 millions d’euros seulement23. Alors que la police Internationale a promis de ne pas augmenter les cotisations des 190 États membres, elle se tourne vers le secteur privé. En juin 2011 déjà, la Fédération internationale de football (FIFA) a fait un don de 20 millions d’euros. Un an plus tard, en juin 2012, Interpol annonce une enveloppe de 15 millions d’euros du premier fabricant de cigarettes au monde, Philip Morris24,25. En mars 2013, des géants de l’industrie pharmaceutique tels que Sanofi, Pfizer et Novartis26 signent un chèque de 4,5 millions d’euros au service international de police Interpol27,28,29.
- le nombre élevé de pays participants rendant le fonctionnement de moins en moins fluide[réf. nécessaire].
Concurrence avec Europol
Depuis le début de la construction européenne, en 1999, s’est constituée une structure exclusivement européenne : Europol, qui prend le relais du groupe TREVI, structure ad hoccréée dès 1976. C’est une organisation dissociée d’Interpol, née de la volonté des États européens de se doter d’instruments efficaces au sein de l’Union. Cependant d’autres facteurs ont contribué à la création d’Europol. Les États européens se sont opposés un certain nombre de fois aux États-Unis et ont fini par conclure à la nécessité de créer leur propre organisation, qui continue toutefois à collaborer avec Interpol.
Critiques
Interpol est accusé de servir comme un outil aux mains de certains États dans le but de traquer et d’arrêter des opposants politiques en dehors de leurs frontières alors que l’article 3 de sa constitution lui impose un principe strict de neutralité. Un documentaire de la chaîne qatarienne Al Jazeera diffusé le 12 janvier 2017 traite de ce phénomène en prenant notamment l’exemple de Bahar Kimyongür. Interpol répond qu’il s’agit de cas marginaux et que les personnes concernées par ces erreurs peuvent demander à la Commission de contrôle des fichiers d’Interpol (CCF) de rectifier ou de supprimer leurs informations30.
Notice spéciale Interpol-Nations unies
En raison d’une opération contre Al-Qaïda et les Talibans, Interpol a édifié, dans le cadre de la « Notice spéciale Interpol-Nations unies »31 et avec la collaboration des Nations unies, la liste des personnes susceptibles de sanctions du Conseil de sécurité des Nations unies.
Fondation Interpol pour un monde plus sûr
La Fondation Interpol pour un monde plus sûr est fondée en décembre 2013 et enregistrée à Genève32. Selon Interpol, « la Fondation apporte son soutien aux programmes et aux activités d’INTERPOL tout en étant juridiquement et administrativement indépendante. Avec l’aide de son Conseil, de son Comité d’honneur et de son Organe de révision, elle sera à l’origine de nouvelles initiatives mondiales en matière de sécurité et veillera à la transparence en ce qui concerne l’affectation de tous les dons. »33. Le financement de l’organisation est questionné par un groupe de journalistes qui a enquêté sur le fonctionnement de celle-ci : la fondation aurait développé des partenariats et reçu des dons de multinationales du tabac ou de la pharmacie, d’institutions accusées de corruption telle la FIFA ou d’états tels les Émirats arabes unis34.
Symboles et signification
Source : site officiel d’Interpol35.
- Le globe terrestre évoquant le caractère mondial de l’activité de l’organisation.
- Les rameaux d’olivier, symbolisant la paix.
- Un glaive placé verticalement derrière le globe, symbolisant l’action de la police.
- Les plateaux de la balance symbolisent la justice.